CRISE IVOIRIENNE: Une liste de 143 personnalités ivoiriennes envoyée à la CPI Leurs noms sur le bureau de Bensouda Pro-Ouattara et pro-Gbagbo concernés

  • 03/09/2013
  • Source : L'Inter

Les choses semblent bouger entre Côte d'Ivoire et  la Cour pénale internationale (CPI). En effet, un courrier dont nous avons reçu copie, a été acheminé depuis hier lundi 2 septembre au bureau de la CPI à La Haye.

Mais avant, le bureau de l'institution judiciaire installé récemment en Côte d'Ivoire, a reçu le même document. Un dossier fumant qui va secouer, à n'en point douter, la République dans les jours à venir. Ce document a été transmis à la CPI par le Comité national de sensibilisation et de moralisation (CNSM), une structure d'ex-combattants et de civils frustrés.

L'information, elle, nous a été donnée par le chargé des affaires politiques et diplomatiques de cette organisation, Ouattara Daouda. Le courrier, qui est une sorte de plaidoyer de ces personnes affectées par la crise ivoirienne et décidées à mettre fin, selon elles, à l'impunité, indique qu'il faut que « les droits de l'Homme soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression ». Le CNSM estime aussi que les personnes qui ont été spoliées de leurs biens doivent être en mesure de les récupérer, voire d'obtenir « une indemnisation adéquate ». « Nous constatons de graves déviations en ce qui concerne les violations des droits de l'Homme et observons avec regret l'impunité grandissante, risque de propagation d'insécurité et du terrorisme en Afrique de l'ouest », peut-on lire dans le document.

Mais tout ceci, selon les auteurs de ce document, vise à faire la lumière sur la crise ivoirienne depuis septembre 2002, date de l'entrée en scène sur l'échiquier politique et militaire, de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN). « Nous vous exhortons à bien vouloir statuer avec attention sur tous les cas présentés auprès de votre instance, notamment, tous les crimes commis par toutes les parties ivoiriennes du 19 septembre 2002 au 28 novembre 2010 sur les crimes économiques, les crimes de guerre, les incitations à la haine et à la révolte, non assistance à personne en danger et co-auteurs de crime, enrichissement illicite et paradis fiscaux », note-t-on dans le courrier adressé à ''Cour pénale internationale, BP 19519 2500 CM, La Haye – Pays-Bas''.

Tous épinglés !


Le document, dont le contenu nous a été présenté, vise 143 personnalités ivoiriennes, pour la plupart des hommes politiques, qui auraient une part de responsabilité, selon leurs niveaux d'influence, dans le drame ivoirien. « Ces personnalités pourraient éventuellement être prises en compte dans le dossier ivoirien à la CPI. Une liste de 143 personnalités de tous les bords politiques a été transmise par notre organisation à La Haye parce que nous estimons qu'elles doivent être aussi poursuivies », a asséné Ouattara Daouda, lors d'un entretien le dimanche 1er septembre 2013, à notre Rédaction. Pour lui, les questions de justice et de violations des droits de l'Homme doivent être mises à nu pour réussir la réconciliation nationale.

Ainsi, lorsqu'on parcourt le document que le CNSM a acheminé à La Haye, l'on note que d'éminentes personnalités du parti présidentiel, le Rassemblement des républicains (RDR), sont épinglées. De même que certains pontes du Front populaire ivoirien (FPI, principal parti d'opposition) et du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI, principal allié du parti au pouvoir).

Des personnalités de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) sont abondamment citées dans le document. Des événements clés depuis 2002 ont été recensés par ce comité qui réclame des poursuites judiciaires. Ainsi, le 25 mars 2004, quand les partis membres de l'actuel RHDP, en plus des Forces nouvelles, décident de braver une interdiction de manifester, le bilan de la répression est lourd. L'un des organisateurs de cette marche, un membre influent du RDR dont nous tairons le nom, qui avait appelé les militants de la case à ne pas « renoncer », est cité abondamment dans le document.

À cette époque, la guerre de la communication faisait rage et chaque camp dénombrait ses morts. L'état d'esprit de ce cadre du RDR n'avait pas changé, deux jours après les affrontements entre les forces de sécurité et les militants de son parti, selon les preuves que brandit le CNSM. Mais dans le camp de Laurent Gbagbo qui était au pouvoir, « il s'agissait d'une marche pour faire entrer la rébellion à Abidjan », souligne l'annexe 3 du document, ajoutant que l'opposition d'alors avait rejeté « catégoriquement » toutes les propositions du pouvoir Gbagbo d'aller à des négociations ou à réintégrer son gouvernement.

Mais pour notre source, les violences se sont poursuivies jusqu'au dimanche 28 mars 2004, avec à la clé de nombreux morts. L'opposition demandait la démission du chef de l'État d'alors, Laurent Gbagbo. « Le président Laurent Gbagbo a annoncé l'ouverture d'enquêtes judiciaires et parlementaires sur les violences de jeudi (25 mars 2004). Laurent Gbagbo a également demandé à l'ONU d'ouvrir une enquête internationale », relève ce document. Qui rappelle en sus que certains alliés de l'actuel président ivoirien, notamment membres du PDCI-RDA, s'étaient désolidarisés des actions de violence. Le Premier ministre à cette période, lui, avait dénoncé « des organisations parallèles à la marche de l'opposition (en 2004), responsables des débordements ». Mais pour un haut responsable de l'ex-rébellion, qui avait adressé une lettre ouverte à un ancien président français, « le rôle des troupes françaises n'est pas de compter les corps des Ivoiriens, ou alors leur présence n'est pas justifiée ».

Le Comité national de sensibilisation et de moralisation est revenu, dans l'annexe 1 de son document, sur les exactions commises aussi bien par les ex-rebelles que par les forces gouvernementales de 2002 à 2004. Notamment le massacre de plus de 80 personnes dans des containers à Korhogo et Bouaké, le 21 juin 2004 par des éléments des Forces nouvelles, les événements de novembre 2004 avec l'appel à manifester contre les ressortissants français vivant dans le pays par les jeunes patriotes proches de M. Gbagbo, la découverte d'un charnier à Monoko-zohi le 5 décembre 2004 par l'armée française. Il y a aussi le casse des agences de la BCEAO à Bouaké, Man et Korhogo « par des éléments de l'ex-rébellion (…) ». L'assassinat de plus de 60 gendarmes, leurs enfants et d'autres civils à Bouaké le 6 octobre 2002 et l'assassinat du général Guéi Robert le 19 septembre 2002 par « les hommes du capitaine Séka Séka, le chef de sécurité de Mme Simone Gbagbo ». Une chose est certaine pour Ouattara Daouda et le CNSM, tous les acteurs de la crise ivoirienne devront répondre devant la justice et le peuple de Côte d'Ivoire.



Hervé KPODION