Côte d’Ivoire : quand le cacao menace la forêt

  • 24/11/2016
  • Source : Jeune Afrique
Chez le premier producteur d’or brun de la planète, une partie des récoltes provient de parcelles cultivées en toute illégalité, au beau milieu de forêts classées, par des planteurs majoritairement étrangers.

En cette fin de saison des pluies, la boue éclabousse le carénage des motos qui circulent sur la piste reliant la ville de Guiglo à la forêt du Cavally, du nom de la région de l’extrême ouest de la Côte d’Ivoire.

Après plus de trois heures de slalom entre les larges nids-de-poule creusés dans la latérite, le bitume refait son apparition, le temps de traverser le domaine de la Compagnie hévéicole de Cavally et ses milliers d’arbres à caoutchouc parfaitement alignés. Puis la nature redevient sauvage, et le chant des criquets couvre presque le bruit des moteurs : bienvenue dans l’une des 231 forêts classées de Côte d’Ivoire.

Des infiltrés dans les forêts classées

Bientôt, il faut abandonner la moto et s’enfoncer dans une végétation de plus en plus dense, en évitant soigneusement les redoutables processions de fourmis carnivores. Après une heure de marche apparaît une clairière où surgissent de jeunes hommes aux vêtements déchirés, tenant dans leurs mains des machettes : ce sont les « infiltrés », les planteurs clandestins de cacao, des étrangers pour la plupart.

Ibrahima est l’un d’entre eux. Il y a trois mois, ce Burkinabè de 16 ans est venu tenter sa chance ici. Il travaille désormais sur une plantation de 3 hectares pour un salaire de 150 000 F CFA (environ 230 euros) par an. L’ombre des arbres et la fertilité des sols sont parfaits pour la culture des fèves – dont la Côte d’Ivoire est, depuis 1978, le premier producteur mondial –, qui attire des milliers de travailleurs : des Burkinabè, des Maliens, des Libériens, mais aussi des Ivoiriens, majoritairement des membres de l’ethnie baoulée venus de la région du Centre.

« Une grande partie du cacao ivoirien provient de forêts classées, mais les gens ne le savent pas », explique Marcel Kaboré, un planteur clandestin arrivé dans la forêt pendant la crise postélectorale de 2010-2011. Selon lui, les cabosses récoltées dans les forêts classées sont plus fermes et réputées de meilleure qualité...