Côte d’Ivoire: le budget frappé par plusieurs crises, le malaise social s’amplifie

  • 17/05/2017
  • Source : Rfi
Le calme est revenu dans les villes ivoiriennes secouées par le mouvement de colère des soldats mutins. Ceux-ci ont refusé que l'Etat revienne en arrière sur le versement des primes obtenues en janvier dernier.

Une mesure qui coûtera cette année 100 milliards de FCFA, soit l'équivalent de quinze millions d'euros au budget. Un budget déjà mis à mal par la baisse des recettes fiscales sur le cacao. Mais le gouvernement a mis en place des mesures correctrices.

Des recettes en baisse et des dépenses en hausses. Voilà la conséquence sur le budget des deux crises qui ont frappé la Côte d'Ivoire. La chute des cours du cacao de 35% depuis l'an dernier a entrainé une baisse des recettes fiscales.

A titre d'exemple, l'Etat a dû renoncer à la taxe d'enregistrement sur les exportations pour ne pas peser sur les revenus des paysans, une mesure qui coûtera près de 43 milliards de FCFA.

Quant aux revendications des soldats mutins, elles coûteront cette année près de cent milliards de FCFA aux finances. Le gouvernement a dû aussi satisfaire les revendications d'autres catégories de fonctionnaires.

Résultat, le budget a été revu à la baisse de 9%. Et les dépenses d'investissement en font les frais. Le gouvernement a donc dû faire appel à ses partenaires internationaux. La Banque mondiale s'est engagée à apporter entre 60 et 75 milliards de francs CFA d'aide budgétaire.

Le FMI va augmenter d'un quart son allocation triennale. L'Agence française de développement va octroyer un prêt souverain dont le montant n'est pas encore fixé. Enfin, le gouvernement fait appel à l'épargne nationale et va lancer en juin un emprunt obligataire de six cents milliards de FCFA.

Le malaise social s’amplifie en Côte d’Ivoire

Malgré une croissance record, le mécontentement social est de plus en plus manifeste. Une deuxième mutinerie vient de secouer le pays. Ce mardi matin les soldats ont accepté de rentrer dans leurs casernes une fois leurs exigences satisfaites.

C’est la deuxième mutinerie depuis le début de l’année. Une colère qui s’ajoute à celle des fonctionnaires régulièrement en grève depuis plusieurs mois. Tous réclament que les promesses soient tenues. Les promesses de primes ou d’augmentations faites par le gouvernement ou bien celles plus abstraites du taux de croissance record de leur pays. Ce taux est de l’ordre de 8 %, sans discontinuer depuis cinq ans. Alassane Ouattara veut hisser son pays dans le club des émergents dès 2020.

Cette course en tête a plutôt bien marché sur le plan macroéconomique mais elle a laissé beaucoup d’Ivoiriens sur le bas-côté. Si le ressentiment des casernes gagne la rue, le mécontentement pourrait dégénérer en chaos, en émeute, c’est pourquoi le gouvernement préfère sans doute satisfaire les revendications des plus bruyants et bien sûr, des plus armés.

Les mutins ou les fonctionnaires font-ils partie des laissés-pour-compte de la croissance ?
 
Ces protestataires ont un emploi, un logement, ils profitent de la paix retrouvée et de la générosité de l’État. Mais ils voudraient davantage recevoir les fruits de cette richesse nouvellement créée dont ils voient tous les jours autour d’eux les signes extérieurs se manifester.
 
Quant aux laissés-pour-compte de la croissance, ils sont silencieux, ce sont ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire presque un Ivoirien sur 2 selon les estimations du FMI pour l’année 2015. Ceux-là vivent plutôt à l’intérieur du pays, ou à la périphérie des villes. Abidjan par exemple a attiré pendant la guerre civile les fonctionnaires du nord qui ne percevaient plus leur traitement explique un universitaire vivant sur place. Ceux-là sont rentrés chez eux mais ceux qui effectuaient les petits boulots dans leur entourage sont restés. Ils alimentent la cohorte des nouveaux pauvres ivoiriens, exclus de la croissance.
 
La politique de relance du président Ouattara a pourtant généré de l’activité ?

Les grands travaux d’infrastructure, notamment routière, ont fourni du travail mais pas de façon pérenne. Il manque aujourd’hui en Côte d’Ivoire des entreprises de taille intermédiaire susceptibles de créer des emplois durables, y compris pour les moins qualifiés. La chute des cours du cacao survenue en début d’année a mis en relief les fragilités de cette économie ivoirienne encore si dépendante de cette rente.
 
Cette perte de revenus a fait monter la pression sur les ménages, elle a alimenté le mécontentement mais elle a aussi privé l’État de recettes substantielles. Résultat, l’État se retrouve aujourd’hui contraint de couper dans ses dépenses d’investissement pour faire des économies, tout en dépensant plus pour calmer la grogne sociale.