Il était, jusqu'ici, considéré comme le numéro deux du régime nord-coréen. L'oncle et mentor du dirigeant Kim Jong-un a été exécuté jeudi 12 décembre, d'après l'agence officielle de presse KCNA. Limogé il y a quelques jours, Jang Song-thaek, 67 ans, avait été condamné à mort par un tribunal militaire spécial.
« L'accusé est un traitre à la nation, qui a perpétré des actes factieux contre le parti et des actes contre-révolutionnaires afin de renverser la direction de notre parti, de l'Etat et du système socialiste », a rapporté KCNA. Il s'est rendu coupable, dit l'agence, d'un « crime aussi hideux que celui d'avoir tenté de renverser l'Etat par toutes sortes d'intrigues et de méthodes méprisables avec l'ambition frénétique de s'emparer du pouvoir suprême ».
Epoux de la sœur de Kim Jong-il, Jang Song-thaek était vice-président de la Commission de défense nationale, considérée comme l'organe de décision le plus puissant du pays. La mise à l'écart de ce dignitaire, ainsi que l'exécution de deux de ses proches conseillers, avaient été annoncées la semaine dernière par les renseignements sud-coréens.
Washington a indiqué ne pas pouvoir vérifier ces informations « de manière indépendante ». « Si c'est confirmé, nous avons un autre exemple de la brutalité extrême de ce régime. Nous suivons de près les développements en Corée du Nord et consultons nos alliés et partenaires dans la région », a déclaré le département d'Etat. « Le gouvernement a de profondes inquiétudes à propos de développements récents en Corée du Nord et suit de très près la situation », a aussi déclaré le ministère de l'unification de la Corée du Sud, chargé des relations entre les deux voisins et frères ennemis.
« TRAITRE DE TOUS LES TEMPS »
Pendant son procès, Jang aurait reconnu qu'il avait tenté de fomenter un coup d'Etat en mobilisant ses complices à l'armée. « J'ai essayé d'attiser les plaintes du peuple et de l'armée contre l'échec du régime actuel à gérer la situation économique et les moyens de subsistance de la population », selon les propos de Jang rapportés par l'agence d'Etat. « Il a révélé sa véritable image de traitre de tous les temps , en déclarant que le coup d'Etat visait le Leader suprême » Kim Jong-un, a insisté KCNA.
Lundi, la Corée du Nord avait officiellement confirmé le limogeage de Jang Song-thaek pour avoir commis « des actes criminels » et dirigé « une faction contre-révolutionnaire ». Le Parti des travailleurs, parti unique, avait annoncé dimanche avoir « éliminé Jang et purgé son clan ». Le régime a assuré qu'il avait formé un groupe séditieux à l'intérieur du parti et nommé des fidèles à des postes stratégiques afin de servir ses ambitions politiques.
Cette semaine, la télévision d'Etat avait montré des photos de lui extirpé de force de son siège à une réunion par deux policiers, une humiliation publique extrêmement rare. Parallèlement, les médias officiels ont qualifié Jang Song-thaek de « méprisable racaille humaine (...) pire qu'un chien », l'accusant en outre d'entretenir des « relations inappropriées » avec des femmes et d'être « affecté par le mode de vie capitaliste ». « Malade idéologiquement, extrêmement oisif et nonchalant, il consommait des drogues et gaspillait des devises étrangères dans les casinos alors qu'il était soigné à l'étranger aux frais du parti », a même écrit KCNA.
PURGE AU SOMMET
En 2004, Jang Song-thaek avait été contraint à une longue « rééducation » dans une aciérie après avoir été accusé de corruption, un procédé habituel dans les jeux de pouvoir en Corée du Nord, avant de revenir sur le devant de la scène l'année suivante. Il avait considérablement étendu son influence après l'attaque cérébrale de Kim Jong-il en 2008. Mais des rumeurs avaient de nouveau évoqué sa disgrâce en 2009, 2010 et 2011.
En décembre 2011, l'homme avait épaulé son neveu Kim Jong-un lors de ses premiers pas à la tête du pays, quand il succéda à son père, Kim Jong-il, mort d'une crise cardiaque – qui avait lui-même succédé à son père Kim Il-sung, fondateur de la République populaire démocratique de Corée en 1948. Il a alors aidé le jeune leader, âgé d'une trentaine d'années, à renforcer son emprise sur le pouvoir central. Mais il se pourrait que Kim Jong-un ait ensuite décidé, avec l'aide de conseillers plus jeunes, de se débarrasser de lui, justement pour ne pas subir l'influence croissante de son oncle.
L'humiliante destitution de Jang Song-taek est révélatrice de l'ampleur d'un phénomène perçu jusqu'à présent en pointillés : la lutte de pouvoir qui se déroule depuis le printemps 2012 derrière l'apparente stabilité d'un régime qui s'efforçait de donner, dans les premiers mois de la succession, une image amène avec un dirigeant jeune et jovial. Au cours des deux années écoulées, près de la moitié de la hiérarchie militaire et des cadres moyens du parti ont été limogés.
Jang était présenté à l'étranger comme un modéré, voire un réformateur, au moins au plan économique. Pour certains, il aurait aussi été trop favorable à une évolution du pays sur le modèle chinois, avec une libéralisation économique. Cette purge au sommet devrait en tout cas permettre au leader de resserrer les rangs autour de lui face à la Corée du Sud et aux Occidentaux, qui accusent Pyongyang de mettre au point des missiles intercontinentaux à capacité nucléaire, avancent des experts.
Les médias de Corée du Nord ont encouragé mardi la population à s'unir autour de son dirigeant Kim Jong-un, à l'instar du quotidien Rodong Sinmun, qui a averti que la Corée du Nord « ne pardonne jamais aux traîtres ». Des analystes avaient à cet égard estimé que le soudain limogeage du numéro deux officieux du régime était susceptible de provoquer une instabilité dans ce pays – miné notamment par des pénuries alimentaires récurrentes et un contrôle omniprésent des citoyens.
Corée du Nord : l'oncle et mentor du leader Kim Jong-un a été exécuté - Photo à titre d'illustration