Condoléances d'Affi : Clash au domicile de Sangaré ; Les deux camps du Fpi au bord de l'affrontement

  • 19/11/2018
  • Source : Linfodrome
Mercredi 14 novembre 2018, premier jour officiel des condoléances au domicile du Pr. Abou Drahamane Sangaré à la Riviera 3 à Cocody, parents, amis et connaissances du défunt ont assisté à des menaces et intimidations de la part des partisans d'Affi N'guessan et d'Abou Drahamane Sangaré.

Les deux camps étaient au bord de l'affrontement en présence de l'ex-Première dame, Simone Ehivet Gbagbo, elle aussi allée présenter ses condoléances à la famille de feu Abou Drahamane Sangaré décédé le samedi 3 novembre 2018. Ce n'est plus un secret. La division au sein du Front populaire ivoirien (Fpi) fait rage. Deux camps se disputent le parti : celui d'Affi N’guessan, président légal et reconnu par les autorités ivoiriennes, et celui de feu Abou Drahamane Sangaré, qui revendique une légitimité populaire.

Les rencontres ne sont point destinées à l'expression de la politique que les socialistes comptent mettre en place pour la reconquête du pouvoir perdu depuis 2010 mais donnent plutôt lieu à la manifestation du désamour que chaque camp éprouve envers l'autre. Ce qui se traduit par des attaques et des contre-attaques.

Ambiance. Il est 17 heures quand notre équipe reportage arrive au domicile de celui qui est affectueusement appelé le «gardien du temple». Quatre bâches sont dressées à l'entrée de la résidence. La musique du terroir abouré est distillée. Des pas de danse sont magistralement effectués par des danseuses venues, nous dit-on, de Moossou, à Grand-Bassam. Cinq minutes plus tard, arrive Marie-Odette Lorougnon, ancienne députée d'Attécoubé. Au sein de la résidence, on aperçoit Mohamed Sam Jichi dit ''Sam l'Africain''président de la Nouvelle alliance de la Côte d'Ivoire pour la patrie (Nacip), Koua Justin, Bamba Massiany, tous proches du défunt. A 17 heures 05 minutes, le protocole d'Affi N'guessan, Kassoum Diarrassouba, accompagné de Mme Bai Segui Pulchérie épouse Diop, secrétaire nationale chargée de l'organisation et des manifestations, fait son entrée à la résidence. Il s'entretient avec les membres du protocole de Sangaré. Rien à signaler. Tout est fin prêt pour recevoir les délégations. Pendant ce temps, les cadres du parti de Laurent Gbagbo affluent à la résidence. On distingue successivement, l'un des derniers ministres de Laurent Gbagbo, Ettien Amoikon, son ancien directeur de protocole, Koné Boubacar, l'ex-ministre Odette Sauyet, l'ex- gouverneur de la Bceao, Dakoury-Tabley, les anciens ministres Hubert Oulaye, Lida Kouassi Moïse, Assoa Adou ( revenu de France), l'ex-gouverneur du District d'Abidjan, Amondji Pierre, etc. Du beau monde pour ce premier jour de condoléances. Des amis du défunt et du Fpi sont également présents. On peut citer l'ancien ministre Gilbert Bleu Lainé. De son côté, la technique s'affaire pour être dans le temps. Cesar Etou, journaliste et membre du comité d'organisation, est au four et au moulin.

Il est 18 h 05 quand le président du Fpi, Affi N'guessan, et sa délégation font leur entrée à la résidence. Ils sont priés d'attendre, puisque la mise en place n'est pas terminée. «On attend la Première dame», lance un membre du protocole de feu Abou Drahamane Sangaré. «Pourquoi ? Nous sommes làdepuis. Qu'on nous fasse entrer», réagit Mme Diop, secrétaire nationale du Fpi chargée de l'organisation et des manifestations. «Mme, vous devez attendre. Tant que la Première dame n'arrive pas, on ne commencera pas», rétorque ce membre du protocole de Sangaré, de forme svelte et le visage mangé par la barbe. La tension monte. Les discussions s'enflamment entre les différents protocoles. Affi et sa délégation sont priés d'attendre sous les bâches dehors. Aux côtés d'Affi, son épouse Angeline Kili, la secrétaire générale, Agnès Monnet, Christine Konan, l'ex-ministre Christine Adjobi, Attéby Williams, Touré Amara et autres. Quelques minutes après, soit à 18 heures 25, arrive Simone Gbagbo. Vêtue d'un complet pagnes, elle salue les militants présents dans la cour et se dirige tout droit dans le grand salon, où l'attendent de nombreux cadres du Fpi. L'épouse de Laurent Gbagbo est suivie par sa fille Marie Laurence Gbagbo épouse Kipré. César Etou, l'animateur du jour, prend le micro et fait des précisons. «Aujourd'hui mercredi 14 novembre 2018, marque l'ouverture officielle de la présentation des condoléances au domicile du président Sangaré. Elle débute maintenant avec le Secrétariat exécutif du Fpi et le Comité de contrôle. Il n'y aura pas d'échanges avec les structures du parti», éclaire-t-il.

Quelques instants après, M. Etou annonce la deuxième délégation. Il est 18 heures 45. «Le Premier ministre Pascal Affi N'guessan et sa délégation», communique-t-il. Aussitôt des murmures se font entendre dans la cour. «Qu'est-ce qu'il vient faire ici, ce traître ?», s'interroge un homme, tout excité. La quarantaine révolue, ce pro-Gbagbo est contre la présence d'Affi au domicile de Sangaré. «C'est un vendu», enchaîne-t-il.

A cette heure de la soirée, tout semblait bien se passer. Une fois à l'intérieur, Affi, en compagnie de son épouse, s'incline devant la chapelle ardente et salue la famille. Par la suite, le nouveau président du Conseil régional du Moronou présente ses civilités aux cadres présents. Au niveau de Simone Gbagbo, sortie de prison, le 8 août 2018, les deux personnalités se serrent dans les bras, en signe d'affection et d'amitié. Ces deux personnalités ne se sont pas revues depuis avril 2011. Affi N'guessan fait aussi l'accolade à Assoa Adou ainsi qu'à Hubert Oulaye, deux de ses anciens ministres, récemment sortis de prison. Le geste du député de Bongouanou sous-préfecture est imité par presque tous les membres de sa délégation. Mais les choses vont se dégrader par la suite, mettant à nu les divisions entre partisans d’Affi N’guessan et ceux d’Abou Drahamane Sangaré, le défunt.

Echanges houleux. L’ex-ministre Ettien Amoikon, proche de Sangaré, chargé de recevoir les nouvelles a pour interlocuteur Touré Amara, porte-parole d'Affi N'guessan. Le premier cité donne la parole au second. «Je suis là en tant que porte-parole du président Affi N'guessan, président du parti et de toute la délégation du Fpi qui l'accompagne. (...) Nous sommes venus ici pour prier pour notre frère, Abou Drahamane Sangaré. Le président Affi N'guessan, avec la forte délégation du Secrétariat exécutif, le Comité de contrôle et les fédéraux d'Abidjan, sont venus pour pleurer leur frère, le vice-président Abou Drahamane Sangaré», a d'abord présenté le porte-parole d'Affi N'guessan, vêtu d'un boubou blanc. Et celui-ci de poursuivre : «Ce samedi 3 novembre, une onde de choc a parcouru la Côte d'Ivoire et a frappé le Fpi en plein cœur. Un de nos baobabs s'est couché. Le président du parti, Affi N'guessan, étant en dehors d'Abidjan, a délégué, au domicile familial du vice-président Sangaré, une délégation de 15 membres, conduite par la ministre et vice-présidente, Adjobi Christine pour venir prendre les nouvelles. Malheureusement, la famille nous a confirmé la nouvelle fatidique. Notre frère s'est, couché, notre frère s'en est allé. Etant de retour aujourd'hui ( mercredi 14 novembre 2018 ; Ndlr), le président du parti a tenu à être là en personne pour venir saluer la famille biologique de Sangaré, la Première dame qui est à nos côtés pour pleurer notre frère Sangaré...».

Outrepassant son rôle d'intermédiaire, M. Amoikon, accoutré dans une chemise rouge et un pantalon noir, s'est autorisé un commentaire. «Frère Amara, la situation est particulière. Nous sommes en deuil. Le président Gbagbo est en deuil. Nous n'allons pas accepter cette provocation. Vous ne pouvez pas venir au domicile du président Sangaré pour nous insulter. On ne peut pas accepter cela. C'est le président Laurent Gbagbo qui est le président du Fpi. Nous ne voulons pas de provocation», réagit Etien Amoikon sous l'approbation des militants, micro en main. Dans la cour, les esprits s'échauffent. Des militants veulent en découdre avec des partisans du Fpi. Mme Diop, proche d'Affi, est pointée du doigt, mais ne se laisse pas faire. Chacun essaie tant bien que mal de calmer les esprits. «On se calme, on se calme», lance une militante pourtant très déchaînée. «Les nouvelles ne sont pas du tout bonnes. Le président Laurent Gbagbo, président du Fpi, est en deuil. Nous savons tous où il est et dans quelle situation il se trouve. Il a mis à la tête du Fpi son compagnon de tous les jours, son ami fidèle, le camarade Abou Drahamane Sangaré, vice-président du Fpi. Ces derniers temps, il a eu quelques soucis de santé. Malheureusement, le Seigneur qui a donné à la famille biologique et à la famille politique, le camarade Sangaré, l'a repris...», poursuit M. Ettien, avant de souhaiter la bienvenue à ses hôtes

Reprenant la parole, Touré Amara, porte-parole d'Affi, continue sur sa lancée. «Notre cœur saigne. Sangaré, tout le monde sait ce qu'il est au Fpi. (…) La mort n'a pas de coloration et d'opinion. Nous sommes venus sincèrement pleurer et nous rappeler à nous-mêmes que sur cette terre tout est vanité. Nous allons tous un jour, comme notre frère Abou Drahamane, abandonner tout sur la terre à la porte de nos domiciles. Et c'est seulement nos prières qui vont nous rejoindre dans l'au-delà. (…)», ajoute M. Touré, offrant de la part d'Affi N'guessan la somme d'un million de Fcfa à la famille éplorée. Pas satisfait des propos de son interlocuteur, Ettien Amoikon revient à la charge, au plaisir des militants disséminés dans la cour. «Frère Amara, nous avons bien compris ce que tu as dit. Nous savons que notre passage sur terre est éphémère. Quand il y a un décès, on rassemble. Raison pour laquelle nous vous avons accueilli. Mais je l'ai dit et je le répète : nous sommes dans un contexte particulier et nous ne supportons pas les provocations inutiles. C'est le président Laurent Gbagbo qui est le président du Fpi», tente de trancher le porte-parole de la famille Sangaré. C'est sur ces échanges que les deux délégations se sont séparées.