AstraZeneca : Pourquoi certains pays africains continuent d'utiliser le vaccin alors que plusieurs pays européens l'ont suspendu

  • 18/03/2021
  • Source : BBC
Les pays africains comptent beaucoup sur le vaccin Oxford AstraZeneca, moins cher et plus facile à stocker, pour lutter contre la propagation du coronavirus.

L'Allemagne et la France font partie des pays qui ont suspendu le déploiement du vaccin Oxford - Astra Zeneca par crainte qu'il ne soit lié à la formation de caillots sanguins chez les personnes qui l'ont reçu.

Quelque 24 nations africaines ont reçu environ 14 millions et demi de doses dans le cadre de l'initiative mondiale COVAX et beaucoup ont commencé à vacciner.

L'Inde a fait don du vaccin AstraZeneca au Kenya, à l'Ouganda, au Rwanda, à la République démocratique du Congo (RDC), au Ghana, à la Côte d'Ivoire, au Sénégal, au Mozambique, à l'eSwatini, au Botswana, à Maurice et aux Seychelles.

L'Afrique du Sud, le pays le plus touché du continent, avait déjà retardé un plan de vaccination initial utilisant le vaccin d'AstraZeneca en raison de préoccupations quant à son efficacité contre une nouvelle variante du coronavirus. L'Afrique du Sud a offert à l'Union africaine le million de doses du vaccin AstraZeneca qu'elle avait commandé auprès du fournisseur indien, afin qu'il soit distribué à d'autres pays susceptibles de l'employer.

Comment ont réagi les autorités africaines ?

Mais en Afrique, seule la République démocratique du Congo semble suivre le mouvement initié par les nations européennes.

Les membres du Comité de la riposte contre la covid ont confirmé la suspension du lancement des opérations de vaccination afin de permettre aux experts de s'assurer de la conformité du vaccin par rapport aux compositions déclarées de leurs fabricants, en raison des inquiétudes concernant les cas de coagulation.

"Parmi les lots qui nous sont parvenus, nos laboratoires analysent pour voir la conformité de ces vaccins qui nous ont été fournis afin d'attester qu'ils ont effectivement conformes à la composition initiale des laboratoires qui les ont fabriqués pur éliminer toute suspicion, toutes les mauvaises rumeurs qui croient que nous recevons des produits piratés, des produits qui pourraient être toxiques pour notre population", a déclaré ce mardi le ministre congolais de l'intérieur Gilbert Kankonde.

Le Sénégal, maintient la vaccination avec le vaccin AstraZeneca.

Selon Dr El hadji Mamadou Ndiaye, Directeur de la Prévention et porte-parole du Ministère de la Santé et de l'Action sociale, "il n'y a pas d'arguments scientifiques avérés par rapport à un quelconque effet secondaire indésirable".

"C'est conforme aux recommandations de l'OMS et de l'agence Européenne du médicament".

Un avis partagé par le Pr Daouda Ndiaye, chef du service de parasitologie et mycologie de l'université Cheikh Anta Diop de Dakar.

"Pour les pays européens, il s'agit d'un retrait préventif. Si les essais cliniques avaient duré des années, tous les effets secondaires auraient été listés et répertoriés dans une fiche. Les effets secondaires existeront toujours".

Cependant, il soutient que la vaccination doit se poursuivre avec Astrazeneca, car les pays n'ont pas les mêmes réalités.

"Ce qui est valable en Europe ou aux Etats-Unis ne l'est pas au Sénégal. Nous n'avons pas le même environnement, le même écosystème, le même phénotype. Donc il ne faut pas suivre à l'aveuglette, il faut continuer jusqu'à ce que les spécialistes ici fassent les mêmes constations et aller vers un arrêt suspensif si le pronostic vital était engagé ce qui n'est pas le cas encore", affirme le spécialiste.

En Côte d'Ivoire, lors d'une allocution le ministre de la santé, le Dr Eugène Aouélé Aka a rappelé que sur 5 millions de personnes vaccinées seules 30 ont développé des caillots sanguins dont un cas de décès.

Le pays a reçu près de 500 000 doses de vaccins AstraZeneca. Mais selon le ministre les lots sont différents de ceux utilisés en Europe.

"Le vaccin utilisé en Côte d'Ivoire ne provient pas de la même usine de fabrication que le vaccin utilisé dans les pays européens concernés".

Il a par ailleurs affirmé que des mesures de suivi des effets secondaires sont en place.

Les autorités sanitaires de l'Ouganda et du Nigeria ont déclaré qu'elles pensaient que le vaccin était sûr.

Les médias locaux nigérians disent que les gens qui reçoivent le vaccin AstraZeneca ressentent de graves effets secondaires. Mais le commissaire à la santé de Lagos, le professeur Akin Abayomi, virologue, a déclaré que les effets secondaires diffèrent d'une personne à l'autre et que certains ne ressentent aucun effet du tout.

Hier, la Somalie a reçu son premier lot de 300 000 doses du vaccin Oxford-AstraZeneca par l'intermédiaire de Covax. Le président Farmaajo a été photographié en train de recevoir son injection, déclarant qu'il avait confiance dans les efforts de vaccination du pays.

Que dit AstraZeneca ?

Selon AstraZeneca, environ 17 millions de personnes dans l'UE et au Royaume-Uni ont reçu une dose du vaccin, et moins de 40 cas de caillots sanguins ont été signalés jusqu'à la semaine dernière. Le laboratoire affirme que dans l'UE et au Royaume-Uni, 15 cas de thrombose veineuse profonde (TVP) - un caillot de sang dans une veine - et 22 cas d'embolie pulmonaire - un caillot de sang qui pénètre dans les poumons - ont été signalés parmi les personnes vaccinées.

Cependant, rien n'indique ni ne prouve que le vaccin soit lié ou responsable.

AstraZeneca a déclaré que ces chiffres étaient "beaucoup plus faibles que ce que l'on pourrait s'attendre à voir se produire naturellement dans une population générale de cette taille et qu'ils étaient similaires à ceux des autres vaccins Covid-19 autorisés".

Que recommande l'OMS ?

Le Dr Richard Mihigo, chef de secteur de programme, Immunisation et développement de vaccins à l'OMS Afrique, a déclaré que l'OMS recommandait toujours son utilisation et qu'il craignait que les pays africains ne commencent à perdre confiance dans ce produit.

Selon lui, la décision de certains pays européens de suspendre le déploiement du vaccin Oxford avait suscité une certaine inquiétude à l'égard d'un produit dont l'innocuité a été prouvée jusqu'à présent - et risquait d'affecter l'adoption du vaccin en Afrique.

Le Dr Mihigo a déclaré que la sécurité du vaccin d'AstraZeneca avait été soigneusement examiné et a exhorté les pays à prendre des décisions fondées sur des preuves et des données. Il a dit qu'il espérait que les résultats des examens de l'OMS et de l'Agence européenne des médicaments rassureraient sur la possibilité de continuer à utiliser le vaccin sur le continent.

L'OMS a annoncé qu'elle communiquerait tout changement à ses recommandations officielles après examen.

Selon l'organisation les effets secondaires des vaccins COVID-19 comprennent la fièvre, les douleurs musculaires, les rougeurs au point d'injection, la fatigue, les maux de tête, la diarrhée, etc.