Agrobusiness : Corps habillés, églises,... tous concernés

  • 22/02/2017
  • Source : Lebabi.net
Parmi les souscripteurs des sociétés de l’agrobusiness, il y a des soldats qui menacent de se faire entendre. Une manière certainement de mettre la pression sur les autorités, afin d’accélérer le traitement de ce dossier.

Quand on parle de l’«affaire Agrobusiness en Côte d’Ivoire», beaucoup font semblant de ne pas être concernés. Mais au fond, ils ont beaucoup à perdre. Dans presque toutes les administrations et corps de métier, ceux dont l’investissement semble perdu ont la gueule de bois. Ces milliers de souscripteurs -36.699 selon le gouvernement- se demandent comment ils pourront rentrer en possession de leur argent.

Mais dans tout ça, c’est le cas des corps habillés qui devrait interpeller les autorités. Selon des informations en notre possession, plus de 12.000 gendarmes, militaires et sapeurs-pompiers militaires, sont concernés par l’activité de l’agrobusiness en Côte d’Ivoire.

«C’est un contrat de partenariat que nous signons avec les maisons de l’agrobusiness notamment la maison mère Monhévéa.com. Je suis entré à Monhévéa.com en 2014. J’ai eu un retour sur investissement qui m’a motivé à aller parler de Monhévéa.com, comme si j’étais un commercial de cette société. On voyait des affiches dans tout le pays et des spots télé. Monhévéa.com a commencé à faire venir des prospectus au Commandement Supérieur de la Gendarmerie, à la gendarmerie d’Agban et dans tous les escadrons de la gendarmerie du pays. Les gendarmes ont souscris en masse et ça fait de nous des heureux gagnants des RSI. Il y a eu un recensement dans les différents corps en Côte d’Ivoire et il a été dénombré plus de 12.000 gendarmes et militaires ayant souscris à ce projet. Il y a des officiers, des généraux, des officiers supérieurs de tous corps confondus (gendarmerie, police, marine, sapeurs-pompiers militaires, etc.», révèle E.K, un gendarme qui participait, discrètement, au sit-in organisé par les souscripteurs, le mercredi 25 janvier, au Plateau.

«Les corps habillés qui relèvent du ministère de la Défense ont pris des prêts au FPM (Ndlr, Fonds de prévoyance militaire). Ces derniers sont coupés (Ndlr, prélevés) à la source alors que les Retours Sur Investissement sont bloqués. Les gens ont pris de gros prêts et aujourd’hui, ils se retrouvent coincés», poursuit notre interlocuteur qui précise que ces prêts sont prélevés, généralement, sur une période de deux ans sur les salaires. Nos tentatives pour avoir la version des responsables du Fonds de Prévoyance Militaire sont restées vaines. Pendant ce temps, confie une source militaire, ces corps habillés qui veulent avoir des réponses, projettent d’organiser un sit-in, le jeudi 2 février.

«Nous voulons tout simplement attirer l’attention de notre hiérarchie sur cette situation qui devient intenable», poursuit notre source qui a requis l’anonymat. A l’en croire, des tentatives sont en cours pour les dissuader d’aller à ce «grand rassemblement», prévu devant la Camp Galliéni. 

Agrobusiness, tous concernés
Hormis les corps habillés, notre enquête révèle qu’il y a des préfets, des maires, des ambassadeurs, des députés, des ministres, des banquiers, des agents du Trésor, enseignants, des pharmaciens, des coopératives, des sportifs de haut niveau et même des Eglises, etc. qui sont touchées par la fermeture des structures de l’agrobusiness. Dans sa dernière sortie sur le réseau social Youtube, samedi, le PDG de Monhévéa.com confirme l’adhésion des corps habillés à son projet.

«Je pense qu'en réalité, on me reproche d'avoir permis au petit cireur de chaussure de pouvoir espérer et de pouvoir gagner de l'argent; autant qu'aux ministres de la République de pouvoir espérer et de pouvoir gagner de l'argent; autant qu'aux soldats et au général de l'armée de pouvoir espérer et de pouvoir gagner de l'argent. Tous ces corps de métier ont profité de MH (Ndlr, Monhévéa.com). Que ce soit le petit soldat, le petit policier ou le petit cireur de chaussure, des ministres de la République, des Directeurs de société, des membres même du GTA (Groupe de Travail sur l'Agrobusiness), tous on profité de MH», insiste Christophe Yapi.

Selon un homme de Dieu, qui a accepté de parler sous le couvert de l’anonymat, «l’Eglise a d’abord mené une enquête pour voir la crédibilité de l’agrobusiness avant d’y investir. Les responsables, ayant vu que c’est quelque chose de fiable, ont invité les fidèles à y adhérer. Les premiers souscripteurs ont reçu les RSI (Ndlr, Retour Sur investissement) et cela nous a motivés davantage». A en croire S.D, un fidèle de cette Eglise, certains «frères», membres ou dirigeants de structures d’agrobusiness, ont invité la «communauté» à saisir cette occasion pour se faire du sou et «éviter la mendicité».

«Beaucoup de fidèles, surtout les femmes ont placé leur argent dans ces structures. D’autres ont même pris des prêts pour investir. Aujourd’hui, nous sommes tous en train de prier pour que la situation se décante. Cette situation met tout le monde à mal», regrette S.D. Que ce soit en Côte d’Ivoire ou à l’étranger, les souscripteurs qui souffrent de la fermeture des 28 structures de l’agrobusiness, n’ont que leurs yeux pour pleurer. Ils regardent désormais en direction du gouvernement qui a décidé du gel des comptes des structures de l’agrobusiness.

«On a été surpris de voir qu’au matin du 5 janvier, un courrier vienne interdire l’activité de l’agrobusiness alors que nous avons pris des engagements immobiliers, d’achat de biens, etc. Depuis 2015, j’ai commencé à Monhévéa.com et j’ai diversifié mes gains en intégrant d’autres structures sur la place. Toutes les structures dans lesquelles j’ai souscris m’ont donné gain de cause. J’ai reçu régulièrement mes RSI ; au moins six fois à Monhévéa.com et trois fois dans les autres structures. Il y a des structures qui font les RSI en trois ou quatre mois», se lamente Dan S., un souscripteur nostalgique.
Ben Ayoub