ADN : on peut désormais différencier deux vrais jumeaux

  • 02/05/2015
  • Source : sciencesetavenir.fr
Une équipe britannique vient de mettre au point une technique permettant de différencier l'ADN de jumeaux identiques. Une aide précieuse pour la résolution d'enquêtes criminelles.

Depuis les années 1980, les enquêteurs de police utilisent des techniques d'analyse d'ADN afin d'identifier le coupable d'un crime ou d'innocenter une personne. Mais ces tests comportent une limite : il n'est pas possible de différencier l'ADN de vrais jumeaux. Ou du moins rapidement et de manière peu onéreuse. Des obstacles désormais levés grâce à une technique mise au point par des chercheurs de l'Université de Huddersfield (Royaume-Uni) et qui a fait l'objet d'une publication dans la revue Analytical Biochemistry.

PROBABILITÉ

La probabilité d'une correspondance d'ADN entre deux individus non apparentés est d'environ 1 sur 1 milliard. Pour deux frères ou sœurs, la probabilité descend à 1 sur 10.000. Les jumeaux identiques, eux, présentent exactement le même profil d'ADN, empêchant certaines enquêtes judiciaires d'aboutir.

Des mutations au cours de la vie

Les méthodes d'analyse qui permettent de différencier les profils de deux jumeaux se fondent sur des mutations génétiques apparaissant au cours de la vie (dites "épigénétiques", voir encadré ci-dessous).

ÉPIGÉNÉTIQUE

 Les mutations épigénétiques apparaissent au cours de la vie en fonction de facteurs environnementaux (le tabac, l'alcool, l'exercice physique etc.). Elles ne modifient pas directement la séquence d'ADN et ne se transmettent pas à sa descendance. En fait, elles proviennent d'une modification de mécanisme moléculaire qui active ou inhibe un gène.

"Si une mutation est identifiée chez un des jumeaux, elle est recherchée dans les échantillons prélevés sur la scène de crime. Cependant, ces méthodes sont très onéreuses et demandent du temps", explique le Dr Graham Williams de l’Université de Huddersfield, principal auteur de ces travaux. Et selon ce dernier, elles sont peu utilisées par les enquêteurs de police.

Pour éliminer ces obstacles, son équipe vient de concevoir une nouvelle technique, qu'elle annonce peu coûteuse et rapide. Elle est basée sur une mutation épigénétique particulière : la méthylation de l'ADN (c'est-à-dire l'apparition de groupements "méthyles" supplémentaires). Concrètement, les chercheurs font fondre l'ADN à des températures de plus en plus élevées jusqu'à ce que les liaisons hydrogènes cassent (plus elles sont nombreuses, plus il faut chauffer).

Cette technique porte un nom : "high resolution melt curve analysis" (HRMA - Analyse des courbes de fusion à haute résolution). "Par conséquent, si une séquence d’ADN est plus méthylée qu’une autre alors la température de fonte des deux échantillons sera différente [ndlr : car le nombre de liaisons hydrogènes est différent]. Une différence qui peut être mesurée et qui permet de distinguer les jumeaux", explique le Dr Graham Williams.

Le schéma ci-dessous, issu de la publication, montre la différence de température de fonte chez 5 paires de jumeaux identiques (la paire n°6 correspond à la température de fusion d'un seul individu et sert de témoin).



© Dr Graham Williams / Analytical Biochemistry

Le même environnement : une limite

Toutefois, comme le reconnaissent les auteurs, cette méthode a quelques limites. Si des jumeaux ont été élevés dans le même environnement, ou des environnements très similaires, il se peut qu’ils n’aient pas développé suffisamment de mutations épigénétiques (en l'occurrence, de méthylations) pour les différencier.

Cette technique nécessite également une quantité importante de matériel biologique contenant de l'ADN (sang, sperme, cheveux etc.), pas toujours disponible sur une scène de crime. "Néanmoins, nous avons fait des progrès considérables vers un test bon marché et rapide qui permettra aux experts médicaux-légaux de différencier les jumeaux identiques", conclut le Dr Williams.