A Carthagène, le pape boucle sa tournée colombienne auprès des Afro-descendants

  • 11/09/2017
  • Source : RFI
Le pape François a terminé sa visite en Colombie. Dimanche 10 septembre, il a appelé les habitants de ce pays à en finir avec « la culture de la mort », en référence au demi-siècle de guerre qu'ils viennent de vivre avec les FARC, entre autres sources de violence. Des mots en phase avec la diplomatie du pontife argentin, prononcés depuis l'ancien point d'arrivage des esclaves noirs de l'ex-Nouvelle-Grenade : Carthagène des Indes, perle touristique des Caraïbes et cité la plus inégalitaire de Colombie.

De sa tournée en Colombie, le pape François ramène un « gnon », c'est le terme qu'il a lui-même employé. Plus précisément, un hématome au visage et une arcade sourcilière entaillée, ce qui lui a valu une tache de sang sur la soutane. Le résultat d'un coup de frein un peu brutal qui a envoyé le souverain pontife dans la paroi vitrée de sa papamobile lors de sa visite à Carthagène, dimanche. Un incident qui ne l'a pas empêché, à 80 ans, de poursuivre sa journée normalement.

Carthagène, la cité des descendants d'esclaves noirs colombiens

D’un côté, la superbe vieille ville coloniale et ses hôtels à 300 dollars la nuit. De l’autre les quartiers noirs misérables.

La ville de Carthagène des Indes, sur la côte caraïbéenne, est la plus inégalitaire d’un pays lui-même très inégalitaire.

Sur place, le pape François s'est arrêté dans la maison de San Pedro Claver - Saint Pierre Claver -, un jésuite qui, au XVIIe siècle, s’occupait avec bienveillance des esclaves qui arrivaient par dizaines de milliers d’Afrique.

Le prêtre Carlos Hernandez explique le choix du pontife : « Son apostolat est d’unir tout le monde. Et aujourd’hui, il est venu ici pour rentrer concrètement en contact avec les Afro-descendants. Le pape François fait de la papauté une institution plus proche des gens. » Mais les historiens rappellent que San Pedro Claver, catalan né à Verdú avant de rejoindre le Nouveau Monde en 1610, ne s’est pas opposé à la traite des Noirs, qui permettait de les évangéliser.

« C’était une situation complexe, analyse Dionisio, qui se définit comme un Afro-descendant et lutte pour faire de l’égalité des droits une réalité en Colombie. Un temps, l'Eglise a même osé considérer que nous, les Noirs, nous n’avions pas d’âme. Mais l’heure est à la paix. Si autrefois, l’Eglise a été contre les Noirs, aujourd’hui, elle ses rattrape et ce pape joue un rôle important pour nous. Ce pape a bien compris qu’il n’y a qu’un être humain et que Dieu nous aime tous. »

Le pape en Colombie, un évènement politique dans une période historique

L'opération séduction est réussie. Par sa venue, le Pape a fait vivre aux Colombiens un moment rare d'union et de communion.

Dans ce pays, qui a fait le pari de la paix après 53 ans de conflit armé, le discours de François sur le pardon et la réconciliation semble avoir convaincu tout le monde ou presque.

Il a séduit les catholiques et les non catholiques, les victimes et leurs ex-bourreaux, les évangéliques et mêmes la gauche athée, favorable aux accords de paix.

Le pape François est un jésuite argentin. Il parle l'espagnol, ce qui, de Carthagène à Medellín, en passant par Bogota, l'a rendu plus proche des gens. Il a de surcroît pris soin d'émailler ses discours de tournures très colombiennes. Son charisme a joué. Les médias se sont agenouillés devant lui. Les sujets qu'il a abordés, de la corruption à la crise vénézuélienne, ont touché les cœurs. La question est maintenant de savoir qu'elle sera l'impact de cette visite sur le long terme.

La Colombie, qui vient de voir son ancienne guérilla marxiste des Forces armées révolutionnaires devenir un parti politique, « la FARC », va vivre une élection présidentielle dans huit mois, après huit ans de présidence Juan Manuel Santos, lauréat 2016 du prix Nobel de la paix avec Rodrigo Londoño Echeverri. L'opposition de droite va-t-elle continuer à dénoncer les accords de paix ? Difficile après la venue du pape. Mais la politique est une affaire de dynamiques.