L'Afrique australe en guerre contre la chenille légionnaire

  • 14/02/2017
  • Source : AFP
Elle se répand à une vitesse foudroyante et fait des ravages dans les champs: la chenille légionnaire d'automne, débarquée d'Amérique, ravage les cultures céréalières du sud de l'Afrique et constitue une menace pour la sécurité alimentaire.

Le fléau semble toutefois gérable, à ce stade, selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), mais il est pris suffisamment au sérieux pour faire l'objet, avec d'autres ravages, d'une conférence dans la capitale zimbabwéenne Harare, à partir de mardi.

Selon la filière du maïs en France, ce nuisible ne semble pas menacer l'Europe pour l'instant, mais certains experts craignent qu'il ne finisse par toucher l'Europe et l'Asie.

D'où vient cette chenille ?

La chenille légionnaire d'automne, ou Spodoptera frugiperda, provient des Amériques. "Elle est endémique en Amérique du Sud, en Amérique centrale et dans certaines parties des Etats-Unis", explique David Phiri, coordinateur de la FAO pour le sud de l'Afrique.

Selon lui, cette chenille est apparue en Afrique l'an dernier, dans l'ouest du continent, d'abord au Nigeria, puis au Togo. Mais les circonstances de son arrivée dans le Sud de l'Afrique demeurent "encore un mystère", pour M. Phiri.

En ce qui concerne son arrivée dans l'Ouest, la chenille est venue probablement "via les vols commerciaux directs" reliant l'Afrique à l'Amérique du Nord ou du Sud, estime le Centre international pour l'agriculture et les biosciences (Cabi), organisation internationale à but non lucratif basée au Royaume-Uni, auteur d'une étude sur le sujet.

Quelle menace représente-t-elle ?

"La chenille affecte presque tous les types de récolte, et plus particulièrement le maïs et les céréales", selon M. Phiri. Elle peut s'attaquer au maïs, mais aussi au blé, au sorgho, au millet, bref à toutes les cultures céréalières.

Très vorace, elle mange non seulement les feuilles, mais aussi les grains de maïs.

La FAO est très inquiète pour les populations d'Afrique australe, où 40 millions de personnes sont déjà touchées par l'insécurité alimentaire.

"Si le maïs, nourriture de base, est touché, ce sera très problématique pour nous, car nous sortons de deux années de sécheresse", explique M. Phiri, alors que les pluies de ces derniers mois incitaient à l'optimisme quant aux prochaines récoltes.

Six pays sont particulièrement surveillés : la Zambie, le Zimbabwe, le Malawi, le Mozambique, la Namibie et l'Afrique du sud.

En ce qui concerne les surfaces touchées, ces pays évaluent encore les dégâts. La Zambie estime d'ores et déjà que 130.000 hectares de cultures sont touchés dans le pays.

"Une troisième année de mauvaises récoltes serait désastreuse", conclut M. Phiri.

Comment lutter contre ce fléau ?

"Une fois qu'elle est là, vous ne pouvez pas l'éradiquer, vous ne pouvez que la gérer", déclare M. Phiri. Toutefois, plusieurs réponses sont possibles pour limiter les dégâts causés par cette larve de papillon.

Si au premier stade, le simple usage de pesticides peut suffire, selon M. Phiri, d'autres solutions sont ensuite envisageables, comme le biocontrôle (des alternatives naturelles aux pesticides), creuser des tranchées autour de la ferme ou l'usage de prédateurs naturels comme les oiseaux. En dernier ressort, cela peut aller jusqu'à brûler entièrement les récoltes.

Plus le problème est pris de manière précoce, plus il est facile à contenir. En ce qui concerne l'Afrique australe, "pour l'instant, c'est gérable. Mais je crains que ça ne s'étende. La bonne nouvelle, c'est que les gouvernements concernés ont très vite réagi", déclare M. Phiri.

Une menace mondiale ?

Selon une étude menée par le Cabi, ces chenilles "pourraient se propager dans les prochaines années en Asie tropicale et en Méditerranée, devenant une menace majeure pour le commerce agricole mondial".

Toutefois, ce ravageur n'inquiète pas pour l'instant les professionnels du maïs en France, en contacts étroits avec leurs voisins européens, notamment l'Espagne et l'Italie, où il n'y a pas eu de dégâts recensés non plus.