En Côte d’Ivoire, une querelle entre catholiques et francs-maçons

  • 12/06/2017
  • Source : la-croix.com
En Côte d’Ivoire, après le refus de l’Église catholique d’accorder des obsèques religieuses à l’ex-grand-maître des francs-maçons, Magloire Clotaire Coffie, et la publication d’un message des évêques sur l’incompatibilité entre franc-maçonnerie et catholicisme, la polémique ne cesse d’enfler.

L’année 2017 en Côte d’Ivoire est marquée par de vives polémiques entre catholicisme et franc-maçonnerie. Celles-ci ont commencé au début de l’année après le décès accidentel de l’ex-grand maître des francs-maçons, Magloire Clotaire Coffie, et le refus du cardinal Jean-Pierre Kutwa, archevêque d’Abidjan, de lui accorder des obsèques religieuses.

Soutenant cette décision, plusieurs curés de paroisses s’en sont pris, dans leurs homélies, aux francs-maçons, leur reprochant de vouloir créer la confusion dans l’esprit des fidèles. Quelques semaines plus tard, un curé recevait une lettre d’invitation d’une loge maçonnique à assister à une de ses rencontres. Invitation qu’il déclina. Ce refus du prêtre fut interprété comme une « preuve d’intolérance » par les francs-maçons.

L’« attaque » d’un maître-maçon

Une nouvelle polémique est née lors de la publication d’un message des évêques catholiques de Côte d’Ivoire publié à la fin de leur 107e Assemblée plénière. Dans ce message datant du 21 mai, les évêques ivoiriens soulignent trois points qui, selon eux, fondent l’incompatibilité entre courants maçonniques et catholicisme : le relativisme qui traverse la réflexion maçonnique, la remise en cause de la divinité du Christ et la problématique du salut.

En outre, les évêques catholiques lancent à tous les membres de l’Église catholique ivoirienne un appel à ne pas se laisser tenter par la franc-maçonnerie. Ce message, largement diffusé sur Internet, débattu dans les médias catholiques et lu dans les églises le jour de l’Ascension, n’a visiblement pas été du goût de tout le monde.

Quelques jours plus tard, un maître-maçon s’en est pris violemment à l’Église catholique dans une lettre publiée par un journal en ligne sous couvert d’anonymat. Dans cette lettre, le maître-maçon cite partiellement l’appel du cardinal italien Gianfranco Ravasi à dépasser les préjugés envers la franc-maçonnerie, accusant l’Église ivoirienne d’intolérance.

Le cardinal Ravasi, président des Conseils pontificaux pour la culture, l’archéologie sacrée et le patrimoine culturel de l’Église avait réaffirmé, dans une publication datant de février 2016, l’incompatibilité entre catholicisme et franc-maçonnerie tout en évoquant la possibilité d’un dialogue.

« Les outils que la franc-maçonnerie donne à ses membres permettent à certains de renforcer leur foi. C’est pourquoi l’on trouve au sein de cette organisation de fervents croyants », affirme dans sa lettre le franc-maçon anonyme, avant de se lancer dans une vive critique des religions : « En religion, on croit sans chercher à comprendre quoi que ce soit. (…) La religion vous prend dès votre naissance et ne vous lâche plus jamais », dénonce-t-il.

Suivent ensuite pêle-mêle des allusions à la moralité des prêtres, à la pédophilie, à des scandales financiers au Vatican et des plaintes concernant l’« acharnement » de l’Église catholique qui, selon lui, accuse les maçons de tous les maux.

Riposte d’un prêtre catholique

La riposte de l’Église catholique ne s’est pas fait attendre. Le Père Marius Djadji N’Guessan, du diocèse de Yopougon, a ainsi dénoncé le manque de rigueur scientifique et l’incohérence dont souffre, selon lui, le message du maître-maçon : « Vous dites beaucoup de choses sans preuves, s’indigne-t-il. Si vous relisez bien la lettre des évêques, elle interpelle les fidèles catholiques. Les évêques ne traitent pas les francs-maçons de criminels, de meurtriers et de sanguinaires. »

Pour compléter leur premier message, les évêques catholiques de Côte d’Ivoire ont prévu de publier une lettre pastorale sur l’incompatibilité entre franc-maçonnerie et catholicisme lors de leur prochaine Assemblée plénière en janvier 2018.

Lucie Sarr (à Abidjan)