Après les attaques répétées d'Agboville:L'ex-consul de Côte d'Ivoire au Liberia crache ses vérités à Paul K.Koffi

  • 05/11/2013
  • Source : L'Inter
Quelques jours après les accusations à peine voilées portées par le ministre auprès du président de la République, chargé de la Défense, Paul Koffi Koffi, à l'encontre des populations Abbey, suite aux attaques d'Agboville, Kotchy Prosper, ex-consul de la Côte d'Ivoire au Libéria et en Sierra Leone, dit sa colère.

 Dans l'interview qui suit, ce cadre Pdci d'Azaguié et inspecteur de ce parti, accuse le ministre de narguer les cadres, la chefferie et le peuple Abbey, puis propose des pistes pour résorber la crise.
 
Vous manifestez une certaine colère contre le ministre Paul Koffi Koffi depuis son dernier passage à Agboville. Peut-on en savoir les raisons ?

 
 L'acte du ministre n'était pas correct et n'est pas décent. On ne peut pas venir narguer toute une population, avec ses chefs et ses cadres, sans que nous n’ayons une réaction. Ce n'est pas possible, et voilà pourquoi je réagis.
 
En quoi le ministre a-t-il nargué les populations et les cadres Abbey ?

 
Sachez monsieur, que tous, nous déplorons la situation des attaques et des morts à Agboville. Personne n'a opté pour la violence chez lui et nous déplorons ces attaques. Les Abbey sont un peuple de paix et qui aime la paix, et nous ne sommes ni auteurs ni co-auteurs de ce drame qui frappe Agboville.
 
Mais le ministre affirme qu'à la vue du théâtre des opérations, ceux qui ont agi, sont soit de la localité, soit dans la localité. Qu'ils ont des indices très sûrs que ça ne vient pas de très loin, ça vient de la zone. Est-ce qu'il y a eu une enquête sérieuse, et est-ce qu'on en connaît les conclusions, pour accuser les gens ainsi ? Qu'on nous les présente et qu'on nous confonde ? Je ne suis pas en train de couvrir qui que se soit, mais qu'il y ait une enquête.
 
On ne peut pas venir à Agboville en quatre heures et tirer une conclusion. « C'est vous, vos enfants, vous les cadres... » ; je suis désolé, je dis non. Il faut venir, et il faut mener une enquête. S'il y a des éléments, si nous sommes coupables, d'accord, on en tirera les conséquences et il y a des solutions. Mais accuser les cadres volontairement, ainsi que leurs enfants, et menacer, je dis bien menacer, je dis non.
 
 Pourquoi dites-vous que les cadres ont été menacés ?

 
 Quand on dit : « vous continuez, vous persistez, vous allez être sanctionnés» ; nous déclarer une zone de guerre. Voyez, c'est tellement dangereux ! Je suis content que le ministre lui-même dise qu'il n'est pas militaire et qu'il travaille avec les militaires. Si vous n'êtes pas militaire, vous ne pouvez pas venir utiliser ce mot. Non, laissez les militaires venir nous dire cela. Voilà. Déclarez toute une région zone rouge, cela veut dire que nous n'aurons pas la paix. C'est ce que cela veut dire. Non, cela n'est pas vrai.
 
 Cela fait six attaques en un an, et brusquement, les cadres Abbey se réveillent. Pourquoi maintenant ?
 

 Je suis peut-être le seul cadre à avoir écrit au président de la République, à mon jeune frère le ministre de l'Intérieur, les courriers sont là (il nous les montre ndlr) pour dire qu'à Agboville, je sens un mécontentement de la population. C'est un problème politique, pas un problème de sécurité.
 
A Agboville, nous ne sommes pas militaires. C'est pourquoi j'ai demandé à ce qu'on résolve le problème politiquement, mais avec le président de la République. J'ai donc, lors de la réunion du mercredi avec le ministre, demandé une rencontre des cadres et de la chefferie avec le président Ouattara. Certains pourraient dire que les Abbey ont eu des cadres pendant dix ans. C’est leur droit de le dire.
 
Mais, je dis pardon, responsabilisez un peu les cadres du département. Ce n'est pas eux qui poussent ces jeunes, s'il y en a, à faire ces attaques. Aidez-nous à aller un peu vers le sommet, nous-mêmes allons prendre nos responsabilités
 
 Pour le ministre, avoir des informations, mais ne pas en parler tant qu'on n'est pas  reçu par Ouattara, c'est à la limite, faire preuve de complicité. Qu'en dites-vous ?
 

 Ce n'est pas avec lui qu'il faut le dire. Ce n'est pas lui qui est le président de la République, qui est le ministre de l'Intérieur. J'ai adressé plusieurs courriers à ces deux personnalités, pour leur parler de la non-satisfaction des populations d'Agboville. Il y a notamment des problèmes géo-politiques. C'est très important. J'ai suggéré au président de la République de revoir sa carte politique. Voici un département où tu n'as pas de haut cadre qui travaille, de ministre, de DG, un simple Pca ; tu n'as personne avec qui on peut travailler. Ça n'existe pas à Agboville.
 
 Voulez-vous dire que vos enfants attaquent les Frci parce que leurs parents ne sont pas nommés ?

 
 Non, je n'ai pas dit cela, loin de là. Mais si vous avez quelqu'un au sommet, les jeunes peuvent l'écouter. Vous comprenez ! Les gens qui attaquent, s'ils sont du département, ils peuvent écouter ce cadre. Regardez, il n'y a pas longtemps, on a mis à plusieurs reprises toute une population des localités au soleil, de 09H00 jusqu'à 14H00. Il y a des mécontentements. A l'époque, tout le monde était au Golf.
 
Mais après ça, il aurait quand même fallu qu'un membre du gouvernement vienne parler à la population. Il y a un oubli total des Abbey dans le département. Les gens ne sont pas contents, mais cela ne veut pas dire qu'ils vont aller tuer ou faire assassiner des gens ou des militaires. Je dis non.
 
Mais, il y a un mécontentement. Venez vers nous. Le jeune frère Tchéré Séka a souhaité, lors de la réunion, et je suis d'accord avec lui, que nous ayons une délégation à l'intérieur du département pour parler à nos jeunes. Si c'est eux, qu'ils arrêtent parce que ça freine le développement des infrastructures dans le département. Regardez Agboville, il n'y a rien et c'est triste à voir. Combien de temps allons-nous continuer à souffrir ?
 
 Excellence, vous dites plusieurs choses à la fois. On a du mal à vous suivre.

 
 Non, suivez-moi. Je le dis, le ministre est venu narguer les populations. Il y a une manière de venir parler aux gens. Ces chefs sont tous, pour la plupart, des cadres à la retraite. Vous ne pouvez pas venir leur parler en une heure, dire ce que vous avez envie de dire, et partir. Je dis non. Le préfet a bien compris, je suis très content de lui. Il a eu une attitude d'apaisement et de réconciliation. Sans vouloir l'offenser ou le juger, je dis que le ministre aurait dû avoir l'approche du préfet.
 
 N'avez-vous pas senti cette approche ?

 
 Non, je ne l'ai pas senti. J'ai senti la force face à la population, aux cadres, aux chefs venus à cette rencontre convoquée par le préfet.
 
 On pourrait dire qu'il est bien dans son rôle, puisqu'il est le ministre de la Défense ?

 
 Est-ce que Ouattara à ce comportement ? C'est un homme de dialogue. Il faut dialoguer. Même s'ils l'ont fait, il faut dialoguer. Mon jeune frère, le ministre Hamed Bakayoko, quand il est venu, c'était la même situation, mais il a eu un langage d'apaisement. Les gens lui ont ouvert leur cœur. Quand tu fais ça, il faut insérer un dialogue. Le gouvernement doit faire ce dialogue, et quand on sent un danger, il faut aller vers la population pour leur parler. Si le gouvernement a trouvé que la situation perdure à Agboville, il peut agir promptement et rapidement. S'il s'avère qu'il s'agit de nos enfants, on peut toujours les retrouver.
 
 En quoi faisant?

 
 Les militaires sont là. Mais, ce n'est pas pour cela qu'il faut mettre le département en quarantaine ou menacer de le mettre en quarantaine.
 
 Excellence, y a-t-il espoir ?

 
 Oui, il y a espoir et je précise que la chefferie est à la disposition des autorités. Il faut les approcher et instaurer le dialogue constant. Quant aux cadres, ils ne demandent qu'à travailler. Il faut les impliquer et ne pas les abandonner, car ils sont les ambassadeurs dans leur village.
 
Les populations ont besoin que leurs cadres leur parlent. Qu'Agboville devienne une région. On peut commencer à ouvrir des départements à Rubino, Azaguié, Oress Krobou, etc. Tout ce que vous voyez ou entendez, il s'agit d'un mécontentement. Mais si demain, il y a un cadre qui flirte avec vous, ce sera votre ambassadeur auprès des populations. Je demande donc au gouvernement de revoir sa position au niveau d'Agboville. Je ne parle pas de Kotchy Prosper, mais il y a des milliers de cadres qui ont besoin que leur zone devienne une région. Agboville est un cercle depuis 1912.
 
Par ailleurs, regardez, Attey Philippe et le procureur Tchimou Raymond, deux de nos valeureux cadres, sont encore en exil. Je demande au gouvernement de nous aider, de nous rendre forts afin que nous puissions, à notre tour, aider nos frères à rentrer d'exil.