Présidence du Sénat: Pourquoi Ahoussou-Kouadio n'a pas démissionné, les confidences d'un de ses proches

  • 15/04/2019
  • Source : L'Inter
Ceux des journalistes et observateurs qui avaient parié sur une démission du président du Sénat ont été confondus par l'intéressé. Ce jeudi 11 avril 2019, à la fondation Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix, à Yamoussoukro, Jeannot Ahoussou-Kouadio, non seulement, n'a pas rendu le tablier, mais il a aussi et surtout renvoyé l'image d'un chef d'institution ferme sur ses étriers.

L'hypothèse du départ de l'avocat de la tête la chambre haute du Parlement a été nourrie par les évènements survenus naguère à l'Assemblée nationale avec la démission de Guillaume Soro, opposé au parti unifié Rhdp. Jeannot Ahoussou-Kouadio, vice-président du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (Pdci), membre de la coalition au pouvoir, n'a pas pris part- à l'instar de Guillaume Soro- au congrès du parti unifié, fin janvier 2019. L'ancien Premier ministre est resté loin des affaires du Rhdp et- histoire de prouver son appartenance au Pdci- a participé, deux jours avant l'ouverture de la session du Sénat, aux festivités du 73e anniversaire du vieux parti. « Les modalités du départ du président du Sénat sont encadrées par la Constitution. La session de ce jeudi a été convoquée avec un ordre du jour précis. Il ne s'agissait pas de démission », glisse un proche collaborateur de Jeannot Ahoussou-Kouadio interrogé par L'inter. « Nous agissons conformément à la Constitution. Le président du Sénat a été élu pour une mandature. Nulle part, il n'a dit qu'il démissionnait », ajoute la source.

Quid du contexte politique ? « Nous sommes loin des conjectures », dit le proche de l'ex-ministre de l’État. « Nous ne nous sentons pas concernés par ce débat » sur la démission, fait encore valoir ce collaborateur de longue date du sénateur du Bélier.

Cas Soro. Dans l'entourage de Jeannot Ahoussou-Kouadio, on se refuse à une « vile transposition » du cas Guillaume Soro à la présidence du Sénat. « Il n'y a pas de copier-coller à faire. Ce serait imprudent de dire : puisque Soro a démissionné, donc, Ahoussou doit, lui aussi, démissionner », raisonne le collaborateur de l'ancien ministre d’État. Jeannot Ahoussou-Kouadio ne se sent pas « concerné » par l'affaire du « tabouret ». « C'est un concept lancé à un meeting politique qui n'engage que son auteur », conçoit la source.

Le « tabouret » est un vocable introduit dans le débat politique par Adama Bictogo, président du comité d'organisation du congrès du parti unifié Rhdp. En pleins préparatifs de ce congrès, M. Bictogo, ancien ministre, haranguait les militants, samedi 5 janvier 2019, à la salle Anoumambo du palais de la Culture de Treichville. « Après le 26 janvier (date du congrès du Rhdp), si tu es ministre et que tu n’es pas Rhdp, tu libères le tabouret. Tu es député mais dès lors que tu es président d’institution, si après le congrès tu n’es pas Rhdp, tu libères le tabouret (...) » (in L'inter du lundi 7 janvier 2019).

Guillaume Soro, après qu'il a démissionné de la présidence de l'Assemblée nationale, le 8 février 2019, a expliqué à de multiples reprises, avoir été poussé à la sortie, contraint à libérer le « tabouret » en raison de son refus du Rhdp. Le député de Ferké a affirmé, dans une vidéo, que le chef de l’État, Alassane Ouattara, a souhaité sa démission « avec insistance ». Le numéro 1 ivoirien n'a jamais confirmé cette version. « Je ne suis pas homme à forcer qui que ce soit », se défend Alassane Ouattara, dans son interview à Radio France internationale, en marge du 32e sommet de l'Union africaine à Addis-Abeba.

Circonstances atténuantes ? Jeannot Ahoussou-Kouadio, porté à la tête du Sénat par la coalition du Rhdp, ne devrait-il pas être soumis au même régime que Guillaume Soro, élu à la présidence de l'Assemblée nationale, dans des conditions quasi similaires ? « Pas nécessairement », objecte un cadre du Pdci, grand défenseur du sénateur du Bélier.

Et si Jeannot Ahoussou-Kouadio, comme un certain Charles Diby Koffi, président du Conseil économique, social, environnemental et culturel, bénéficiait de circonstances atténuantes ? L'idée est qu'en raison de leur position modérée et de rapports apaisés- au contraire de Guillaume Soro- avec Alassane Ouattara, les deux vice-présidents du Pdci échappent, pour l'heure, à toute pression. C'est, du moins, l'avis de certains observateurs. Une certitude : Jeannot Ahoussou-Kouadio n'a, jusqu'ici, jamais brocardé le Rhdp ou ses dirigeants. On le découvre même dans un rôle de rassembleur, se convainquant d'une possible réconciliation entre Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié. Son discours, jeudi 11 avril, à la rentrée solennelle du Sénat, est très éloquent. « La vie politique nationale est marquée par quelques convulsions liées à la perspective de la tenue de l'élection présidentielle de 2020. Ces convulsions affectent notre unité et notre entente au sein de la grande famille politique constituée par ceux et celles qui se réclament de la philosophie politique du président Félix Houphouët-Boigny...C'est ensemble, unis, malgré nos différences, que nous avons fait rêver nos concitoyens...Pour ma part, je voudrais dire, du haut de cette tribune, que ce qui doit nous unir est plus grand que ce qui nous divise actuellement. L'heure du rassemblement autour de notre pays a sonné. C'est ensemble, unis et réconciliés, que nous ferons de notre pays, la terre de l'espérance, de la paix et de concorde promise à l'humanité », a prononcé Jeannot Ahoussou-Kouadio dans la bien-nommée fondation Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix.

Le président du Sénat est-il définitivement à l'abri de quelque démission ? Une source proche de la direction du Pdci suggère que Henri Konan Bédié a demandé à son collaborateur de ne pas quitter de lui-même la présidence du Sénat. « Il est en fonction. Et s'il arrivait qu'une contrariété se présentait, on l'apprécierait », confie la source bien au fait des tractations au sommet.

Jeannot Ahoussou-Kouadio, élu à l'unanimité, président du Sénat, le 5 avril 2018, est toujours en place. Jusqu'à quand ? Seule la très fluctuante météo politique ivoirienne pourrait nous situer.

Kisselminan COULIBALY