Jean Ping: « Si Ali accepte de partir, je lui garantirai la possibilité d’aller et venir au Gabon quand il le souhaite »

  • 01/08/2017
  • Source : Autre Presse
Dix mois plus tard, il se revendique toujours président élu du Gabon, à Libreville, Paris, Berlin, Bruxelles ou Washington. La coalition qui l’a soutenu lors de la présidentielle a beau s’effriter, il est persuadé que le temps joue pour lui et que son rival finira par quitter le pouvoir.

Sous les ors du palace parisien où nous l’avons rencontré, l’ancien président de la Commission de l’Union africaine (de 2008 à 2012), âgé de 74 ans, affirme vouloir se battre « comme un lion ».

Jeune Afrique : Vous avez entamé une tournée diplomatique en France, en Suisse, au Parlement européen ou encore aux États-Unis. Quel en est l’objectif ?

Jean Ping : Je cherche à faire reconnaître la vérité des urnes. L’objectif est donc simple : faire en sorte que celui qui a perdu quitte le pouvoir. Ali Bongo Ondimba a été pris sur le fait, notamment grâce à l’implication de la communauté internationale et surtout de l’Union européenne. Maintenant, il faut aller plus loin que ce constat. La communauté internationale doit faire en sorte que la vérité du vote s’impose. C’est pour cela que j’ai proposé une médiation internationale qui assurerait une passation des pouvoirs pacifique et une réconciliation nationale, sur le modèle de ce qui s’est passé en Afrique du Sud.

Vous demandez une médiation internationale avec, comme préalable, un départ d’Ali Bongo Ondimba. Quelles en seraient les conditions ?

Si Ali accepte de partir, je le féliciterai et je lui garantirai la possibilité d’aller et venir au Gabon quand il le souhaite. Même si nous savons qu’il essaiera de nous déstabiliser, c’est la loi de la démocratie. Je lui garantirai également la sécurité de ses biens et ceux de sa famille.

En tant qu’ancien président de la Commission de l’Union africaine, regrettez-vous que cette organisation ne vous ait pas été d’une plus grande aide ?

L’Union africaine s’est prononcée dans le même sens que l’Union européenne en ce qui concerne la présidentielle. Mais ce n’est sans doute pas suffisant. En général, il est vrai que l’UA dépêche des missions d’observation qui ne peuvent en réalité pas observer grand-chose. Résultat : presque toutes les missions de l’UA se terminent par un communiqué qui dit : « Nous avons observé les élections. Il y a eu des irrégularités mais elles ne faussent pas la sincérité du vote. » On peut presque l’écrire d’avance. Mais peut-elle faire autrement avec ses moyens ?

Votre bras de fer avec Ali Bongo Ondimba dure depuis dix mois. Avez-vous des inquiétudes concernant vos ressources financières ?

Le financement est en effet capital, et c’est pour cela que le pouvoir a gelé tous mes comptes en banque. Il veut me paralyser. Mais il se trouve que, lui aussi, a des problèmes de moyens. Nous avons créé l’ingouvernabilité du pays. Nous sommes en grève, nous ne travaillons plus, les entreprises ne fonctionnent plus et licencient… Le Gabon est pratiquement en cessation de paiement, et le pouvoir n’a plus d’argent. Même des députés ou des sénateurs du Parti démocratique gabonais passent parfois deux mois sans salaire ! Nous avons le peuple de notre côté et il est prêt à défendre sa liberté à mains nues.

Risque-t-on un dérapage vers la violence ?

Oui, j’ai bien peur que l’on aboutisse à cette violence. Pour le moment, je demande aux Gabonais de ne pas aller attaquer le Palais, et cela ne plaît pas, d’ailleurs. Mais la situation peut basculer. Ce pays n’a jamais connu de guerre civile, mais il ne faut pas partir du principe que ce qui est arrivé ailleurs ne peut pas arriver au Gabon.

Par Africa24mnonde