Sénégal: une chanteuse populaire écrouée pour "offense au chef de l'Etat"

  • 10/08/2017
  • Source : AFP
Deux opposants sénégalais actifs sur la messagerie WhatsApp, dont la chanteuse populaire Amy Collé Dieng, ont été inculpés et placés en détention préventive pour "offense au chef de l'Etat et diffusion de fausses nouvelles", a-t-on appris mercredi de sources judiciaires.

Amy Collé Dieng, chanteuse de "mbalakh", musique sénégalaise basée sur les percussions qui a connu le succès il y a quelques années, avait été interpellée le 3 août à Dakar par la police.

Dans un enregistrement sonore partagé sur WhatsApp, en principe au sein d'un groupe fermé, la chanteuse de 39 ans s'était montrée favorable à l'ex-président Abdoulaye Wade (2000-2012), un des leaders de l'opposition lors des élections législatives du 30 juillet, et critique envers le président Macky Sall, dont la coalition venait de remporter ce scrutin.

Elle y accusait le chef de l'Etat sénégalais de "manoeuvrer dans l'ombre" pour accomplir ses desseins et d'être un "saï-saï" ("coquin" en langue wolof).

Elle lui reprochait également de n'avoir "rien fait dans le pays" depuis son élection en 2012 et d'avoir "volé les élections" du 30 juillet. Enfin, elle dénonçait la gestion par le pouvoir du scrutin, marqué par d'importants problèmes d'organisation.

Ses propos ont ensuite été largement diffusés par des sites d'informations sénégalais.

Après son interpellation, Amy Collé Dieng a affirmé que ses critiques n'étaient pas destinées à être rendues publiques, selon une source proche de l'enquête.

Après cinq jours de garde à vue, elle a été "inculpée mardi soir et placée sous mandat de dépôt", a déclaré mercredi à l'AFP l'un de ses avocats, Me Boubacar Barro.

Une deuxième personne, Amadou Seck, présentée par la presse locale comme l'administrateur du groupe WhatsApp, a également été placée en détention provisoire pour les mêmes chefs d'inculpation, selon une source proche du dossier.

Les deux inculpés risquent de six mois à deux ans de prison pour "offense au chef de l'Etat" et jusqu'à trois ans de réclusion pour "diffusion de fausses nouvelles", selon la loi sénégalaise.

Il s'agit d'une "une détention arbitraire", a dénoncé mercredi un autre avocat de la chanteuse, Me Ciré Clédor Ly, interrogé par l'AFP.

Dans la presse sénégalaise, l'avocat a appelé à la suppression du délit d'"offense au chef de l'Etat", évoquant une "infraction dont l'origine est monarchique et qui n'a pas sa place dans une société démocratique".