Justice: Déjà en prison, Youssouf Fofana de nouveau condamné

  • 11/01/2017
  • Source : AFP
L’ancien chef du "gang des barbares", Youssouf Fofana a été condamné ce mardi à une peine de dix ans de prison assortie d’une période de sûreté des deux tiers pour des dizaines de tentatives d’extorsion de fonds et menaces de mort, lors d’un procès où il n’a fait qu’une brève apparition. En 2009, il avait été condamné à la réclusion à perpétuité avec 22 ans de sûreté.

L’ancien chef du "gang des barbares" Youssouf Fofana s’est présenté ce mardi matin devant le tribunal correctionnel, où il était jugé pour des dizaines de tentatives d’extorsions de fonds et menaces de mort. Il a été condamné à dix ans de prison avec une sûreté aux deux tiers. L'audience s'est terminée avec trois jours d'avance.

Ces 42 affaires pour lesquelles il était jugé se sont toutes déroulées entre avril 2002 et octobre 2004. Soit avant l'assassinat d'Ilan Halimi, pour lequel l'ex-chef du "gang des barbares" a été condamné en 2009 à la réclusion criminelle à perpétuité assortie de 22 ans de sûreté (lire par ailleurs).

Crâne rasé, fine barbe

« Je suis un trader de la terreur », a lancé Youssouf Fofana a l’ouverture de son procès, crâne rasé, fine barbe, vêtu d’une veste de costume sur une chemise à carreaux, en réponse à la présidente qui l’interrogeait sur son identité.

Puis, sur sa volonté de s’exprimer durant le procès, il a lâché : « Je souhaite garder le silence ».

« Je voudrais partir. Je vous le demande poliment », a ensuite lancé le prévenu à la présidente interloquée. « Mais partir où ? » « En détention », a répondu avec aplomb Fofana.

Sur les 13 victimes qui s’étaient constituées parties civiles durant l’instruction, seules trois étaient représentées à l’audience.

Des plaignants supposés fortunés

La justice reproche à Youssouf Fofana des tentatives d’extorsion de fonds accompagnées de menaces de mort commises au préjudice de 42 personnes, dont 13 sont parties civiles.

Parmi les plus connues figurent l’ancien président de Médecins sans frontières, Rony Brauman, l’ex-patron d’Arte, Jérôme Clément, ou le fondateur de Radio Nova, Jean-François Bizot, décédé depuis. On trouve aussi des chefs de grandes entreprises comme les présidents des directoires de BMW ou Conforama, les PDG de Toshiba France, BUT, IBM France, Rolex, Reebok France ou Whirlpool...

D’autres sont inconnus mais tous étaient supposés disposer d’une fortune leur permettant de payer des rançons pouvant atteindre 500 000 dollars (475000 euros).

« Déclenchement de la mort »

D'après le mode opératoire établi par les enquêteurs, le chantage dont se sont déclarés victimes les plaignants se fait par courriers, parfois accompagnés d’une photo ou d’une vidéo montrant un homme cagoulé ou avec une djellaba et un keffieh et armé d’un lance-roquettes ou d’une grenade, posant devant leur domicile pour les intimider.

Dans un cas, la demande est attribuée au mouvement indépendantiste corse Armata Corsa, dans un autre, à la branche française du Front de libération de la Palestine (FLP), dans un troisième, à la Mafia K’1 Fry, un collectif de rappeurs.

Pour faire pression, le maître chanteur adresse des grenades trafiquées à ses victimes, jette des cocktails Molotov dans la cour du domicile de Rony Brauman ou piège une voiture à Sceaux, où résidaient plusieurs personnes menacées.

Si les victimes ne répondent pas, elles reçoivent une lettre de relance menaçante : «Vous venez de recevoir l’annonce du déclenchement de la mort qui prendra effet 24 heures après réception» si vous n’obtempérez pas.

Les demandes de rançon n'aboutiront pas

Pour payer, les victimes sont priées de transférer l’argent via Western Union ou de remettre une rançon au métro Châtelet, dans le centre de Paris. Mais aucune ne cédera et les surveillances policières n’aboutiront pas.

Il faudra attendre l’enquête sur l’enlèvement d’Ilan Halimi pour que ces affaires dispersées soient regroupées et attribuées au chef du «gang des barbares», en raison de la proximité des modes opératoires.

Si les surveillances opérées par les enquêteurs pour tenter de confondre le maître chanteur sont infructueuses, Youssouf Fofana, lui, est filmé dans un bureau de poste d’où des lettres de menace ont été envoyées. Le suspect est par ailleurs mis en cause par un complice: il finira par se vanter devant des juges de ses actes. Avant de revenir sur ses déclarations...

Ilan Halimi, torturé à mort parce que juif et prétendument riche

Le calvaire d'Ilan Halimi a débuté le 21 janvier 2006. Attiré par une jeune femme servant d'appât, ce jeune vendeur de téléphones à Paris, âgé de 23 ans, est enlevé, parce que juif, et prétendument fortuné. L'otage est retrouvé entre la vie et la mort, nu, bâillonné et menotté, le long d'une voie ferrée, près de Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne), le 13 février 2006. Il décédera avant d'arriver à l'hôpital. Sans avoir pu s'exprimer.

Ilan Halimi aura été séquestré dans un appartement puis une cave pendant 24 jours, dans une cité de Bagneux (Hauts-de-Seine). Appâts, ravisseurs, geôliers: 27 personnes en tout ont été accusées d'avoir participé d'une manière ou d'une autre au destin tragique du jeune homme. En 2009 à Paris puis 2010 à Créteil, des verdicts allant de la prison à perpétuité jusqu'à l'acquittement ont été prononcés. Ces deux procès ont laissé une vive plaie dans la communauté juive de France. S'il a reconnu son rôle de "meneur" dans l'assassinat d'Ilan Halimi, Youssouf Fofana a toujours contesté le caractère antisémite de ses actes.