Face à la colère de la population, des magistrats malgaches s’échappent par hélicoptère

  • 21/12/2017
  • Source : Le Monde Afrique
A Ikongo, dans le sud-est de l’île, des émeutiers ont attaqué une prison, fait évader une centaine de prisonniers et assiégé la gendarmerie.

Mercredi 13 décembre, 600 villageois ont forcé la porte du pénitencier de la ville d’Ikongo, dans le sud-est de Madagascar. La foule en colère était à la recherche de sept détenus. Il s’agissait pour elle de venger les membres de leurs familles assassinés, des crimes dont la responsabilité ne pouvait incomber qu’aux prisonniers. L’exécution des détenus semblait inévitable. Sauf que ces derniers avaient été transférés la veille dans une autre prison.

Par dépit, les émeutiers se sont retournés contre les magistrats de la ville. Après quatre jours retranchés dans la gendarmerie locale, les onze personnes assiégées, dont le président du tribunal, le juge, le procureur et leurs proches, ont finalement été évacués d’Ikongo en hélicoptère, lundi 18 décembre, vers la ville de Fianarantsoa.

Loi du talion

Les villageois réclamaient la tête du procureur et de ses collègues, leur reprochant le transfert des prisonniers qu’ils voulaient exécuter. Dans cette province où les rois locaux ont plus d’importance que les institutions et où le tribunal local a ouvert il y a cinq ans seulement, la loi du talion reste monnaie courante.

« Les autorités doivent prendre des mesures concrètes contre ces actes de violences, s’insurge Fanirisoa Ernaivo, la présidente du Syndicat des magistrats de Madagascar (SMM). Ce n’est pas possible de vouloir tuer des prisonniers, ce n’est pas comme ça que ça fonctionne ! »

Les vindictes populaires sont fréquentes à Madagascar, mais atteignent rarement une telle ampleur. Selon un magistrat d’Ikongo qui souhaite rester anonyme, « la population de la province n’a pas confiance dans la justice, d’où la multiplication des cas de vindicte populaire ». Il confie ne plus vouloir y retourner, par peur de représailles. Pendant que la prison était mise à sac, lui et ses collègues ont été poursuivis par des villageois armés de machettes, de sagaies et de fusils. « Nous nous sommes réfugiés dans les égouts et les rizières jusqu’à 2 heures du matin, en attendant des renforts », raconte-t-il.

Les émeutiers ont par ailleurs fait évader 121 prisonniers. Parmi ces derniers figurent des petits délinquants, des bandits, des dahalos (voleurs de zébus), mais aussi des criminels condamnés à des peines de prison à perpétuité. Seulement huit d’entre eux sont revenus d’eux-mêmes le lendemain, le reste étant toujours en cavale...