Cuba : Raul Castro quitte le pouvoir avec un bilan en demi-teinte

  • 19/04/2018
  • Source : France24
Le président cubain, Raul Castro, s’apprête à céder le pouvoir, jeudi, après une décennie marquée par le réchauffement des relations avec les États-Unis et par quelques réformes économiques. Mais l’État reste parmi les plus pauvres de la région.

Le 19 avril est une date symbolique à Cuba : c’est l’anniversaire du débarquement raté de la baie des Cochons. En 1961, des milliers d’anticastristes recrutés par la CIA devaient débarquer sur l’île pour renverser le gouvernement de Fidel Castro. L’opération fut un échec complet. Fidel, alors Premier ministre, a dirigé les destinées cubaines jusqu’en 2008, avant de passer la main à son frère Raul, au pouvoir depuis dix ans.

Après près de 60 ans de castrisme, le 19 avril 2018 marquera une nouvelle date historique pour l’île caribéenne : celle où Raul Castro cèdera le pouvoir. Âgé de 86 ans, le président cubain avait annoncé qu’il démissionnerait de la présidence. L’homme qui devrait lui succéder est son premier vice-président, Miguel Diaz-Canel, un pur produit du système cubain qui, à 57 ans, n'a pas connu la révolution.

En 60 ans, le visage de l’île a-t-il changé ? Oui et non, s’accordent à dire les experts. Du point de vue des libertés, Cuba n’a pas pris le chemin du pluralisme, que ce soit sur le plan politique ou de la presse. Amnesty international estime à une centaine le nombre de prisonniers politiques en 2017. Sur le plan économique, le gouvernement cubain n'a pas mené toutes les réformes qu'il aurait souhaité après l'effondrement de l'Union soviétique.

Ouverture progressive de l’économie

La situation s’est néanmoins améliorée lors de cette dernière décennie. Depuis l’arrivée au pouvoir de Raul en 2008, et la levée partielle de l’embargo par Barack Obama en 2009, le PIB cubain a été multiplié par deux en dix ans. Pour les 11 millions de Cubains, le changement le plus visible est l’ouverture progressive de l’économie, avec comme principal moteur le tourisme. Quasiment fermée dans les années 60, l’île accueille désormais 4 millions de touristes chaque année.

Présenté autrefois comme un implacable stalinien, Raul Castro a changé d’approche au début des années 90 quand l’explosion de l’URSS a privé Cuba de son soutien politique et économique. À l’époque ministre de la Défense, il a d’abord réformé l’armée. Pendant sa présidence, il s’est ensuite efforcé de réduire le poids de la fonction publique et de donner plus de place au secteur privé.

Raul Castro a par ailleurs supervisé la création d’un parc industriel calqué sur le modèle chinois et instauré une loi permettant aux investisseurs privés de bénéficier de réductions d’impôts. Pour faciliter la réintégration de l’île sur les marchés financiers, il s’est également attaché à renégocier sa dette extérieure, obtenant du Club de Paris qu’il renonce à 76 % des 11,1 milliards de dollars de dette.

Une croissance insuffisante

Malgré ces réformes, Cuba reste parmi les états les plus pauvres de la région. Selon les statistiques officielles, l’économie a enregistré une croissance annuelle moyenne de l’ordre de 2,4 % au cours de la décennie écoulée, un rythme insuffisant de l’aveu même du gouvernement qui estimait en 2014 qu’une expansion de 7 % était nécessaire pour développer le pays.

Plus des deux-tiers des Cubains travaillent dans le secteur public pour un salaire mensuel moyen d’une trentaine de dollars. Un niveau faible, néanmoins compensé par la gratuité de l’éducation et de la santé, les aides au logement et à l’achat de denrées alimentaires. À Cuba, le taux d’alphabétisation est proche de 100 % , un taux qui vaut celui des pays les plus riches de la planète.

Les fruits de l’ouverture économique restent par ailleurs confinés dans le secteur privé des grandes villes, à La Havane, notamment, qui bénéficie en premier lieu du réchauffement entrevu avec les États-Unis sous le mandat de Barack Obama. Dans les régions rurales, en revanche, les effets des réformes entreprises par Raul Castro tardent à produire leurs effets. La production agricole a stagné au cours de la dernière décennie et l’île importe de 60 % à 70 % de ses besoins alimentaires.

Avec AFP