Côte d'Ivoire: tirs à Abidjan avant les jeux de la Francophonie

  • 20/07/2017
  • Source : AFP
Des centaines de coups de feu ont été tirés à Abidjan pendant la nuit de mercredi à jeudi par des membres des forces de sécurité en colère à moins de 48 heures de l'ouverture des jeux de la Francophonie dans la capitale économique ivoirienne.

Près de 4.000 athlètes et artistes ainsi que de nombreuses personnalités sont attendues pendant les 10 jours des jeux (21 au 30 juillet) alors que le président Alassane Ouattara a effectué mercredi un remaniement gouvernemental concernant notamment la Défense et l'Intérieur.

Ces changements visent à mettre un terme au mouvement de grogne qui perdure chez les forces de sécurité malgré les déclarations rassurantes et un retour au calme jeudi matin.

"Ce pays c'est foutaise, on revendique nos droits. Trop c'est trop", ont crié des hommes armés à Dirassouba Adama en lui volant son taxi mercredi soir, a-t-il raconté à l'AFP.

Vers 22h00, des tirs ont été entendus dans et hors de l'école de police de Cocody, un des quartiers centraux de la capitale économique.

Des hommes armées pointaient des fusils sur les voitures et tiraient en l'air, a constaté un journaliste de l'AFP.

"Ce sont des policiers cagoulés avec des gilets pare-balles", a assuré le chauffeur, quelques secondes après le vol. "Ils ont tiré en l'air et tiré à côté du véhicule, ils m'ont dit de descendre et de partir et je suis parti. Ils ont donc pris ma voiture. Il y a au moins dix véhicule à l'intérieur" de l'école de police.

"Ils nous ont +réquisitionnés+ notre véhicule, ils pointaient leurs armes. Ils arrêtent les voitures et les taxis et ils prennent les véhicules", a affirmé un employé d'une société de gardiennage à quelques dizaines de mètres de l'école.

Certains témoins parlent de militaires qui se sont rendus à l'école de police et ont menacé les policiers pour se saisir d'armes à l'armurerie, rapporte Radio France Internationale.

Vers 22h30, une demi-douzaine de véhicules avec ces hommes armés ont quitté l'école de police en direction du Plateau et du quartier de Yopougon, a constaté le journaliste de l'AFP.

Des tirs ont ensuite été entendus dans ce grand quartier populaire, selon plusieurs habitants, sans qu'il soit possible de savoir s'il s'agissait des mêmes hommes.

Jeudi, Abidjan avait repris une activité normale avec des magasins ouverts même si des employés manquaient parfois à l'appel et au moins un événement public a été annulé.

"C'est pas une armée, c'est des voyous', commentait jeudi, Hamidou, agent immobilier.

Ces événements surviennent après la mort de trois soldats dans la nuit de vendredi à samedi dans des tirs dans un camp militaire de Korhogo, grande ville du Nord.

Selon une source proche de l'armée, il s'agit d'une réplique des mutineries de janvier et mai qui ont ébranlé le pays.

D'anciens rebelles intégrés dans l'armée se sont révoltés et ont fini par obtenir de l'Etat 12 millions de francs CFA (18.000 euros) pour chacun des 8.400 d'entre eux. Cette crise a considérablement fragilisé l'équipe gouvernementale et, surtout, le président Ouattara.

Préfet d'Abidjan à l'Intérieur 

Mercredi, l'influent et puissant ministre de l'Intérieur, Hamed Bakayoko, perçu comme possible dauphin de M. Ouattara, a été appelé à la rescousse pour tenter de mettre un point final à la crise. Nommé à la Défense, Bakayoko, a promis de s'"engager avec détermination et fermeté" à "la reconstruction de l'armée"

"C'est un défi majeur et une attente des Ivoiriens", a-t-il estimé, ajoutant qu'il comptait venir "au contact des troupes pour apporter des réponses aux demandes d'amélioration des conditions de vie et de travail", mais aussi pour "exiger de la discipline".

Il est remplacé à l'Intérieur par Sidiki Diakité, le préfet d'Abidjan, preuve que le gouvernement ne voulait pas un politique mais un homme capable de gérer tout de suite le ministère et connaissant bien la capitale économique.

Près de 10.000 militaires, gendarmes et policiers sont mobilisés pour la sécurité des Jeux de la Francophonie alors qu'un attentat jihadiste avait frappé la Côte d'Ivoire en 2016, faisant 19 morts.

"Nous attendons de ces Jeux un impact, politique, diplomatique et économique (...) c'est un clin d'oeil aux investisseurs", avait confié à l'AFP en début de semaine Baba Coulibaly, directeur de la communication du ministre chargé des Jeux de la Francophonie.

La Côte d'Ivoire voulait donner avec ce premier grand éventement organisé sur son sol après une décennie de crise politico-militaire (2002-2011) une autre image du pays.

Patrick FORT et David ESNAULT